La céramique glaçurée. Une définition

Afin d'illustrer le sujet sur lequel travaille l'Université de Bordeaux 3 en association avec "Sciences et Patrimoine culturel" nous avons choisi de présenter une centaine de fragments de céramique glaçurée dont nous pensons qu'ils sont représentatifs des milliers de fragments qui sont actuellement conservés dans les réserves du Musée Amir Temur de Shahrisabz,  en cours d'examen et de description. De manière provisoire, nous les avons regroupés en une dizaine de types, essentiellement sur des critères relatifs à leur décor. Tous les fragments n'ont pas encore été analysés (physiquement) mais pour ceux qui l'ont été ont peut considérer que les supports céramiques sont calciques, à texture fine. Quand à la glaçure, elle est alcalino-plombifère. Comme on le verra, toute la gamme des matières colorantes connues au XIVème s ap J.C. a été largement utilisée pour les décors, y compris la feuille d'or et cette particularité de l'Islam médiéval : le décor de lustre métallique.

l

Panneau des archers du palais de Darius Frise des archers du palais de Darius à Suse (Iran) (510 av. J.C.), Conservée au Musée du Louvre (M-L Nguyen, 2007)
Panneau des archers du palais de Darius Frise des archers du palais de Darius à Suse (Iran) (510 av. J.C.), Conservée au Musée du Louvre (M-L Nguyen, 2007)

L’idée de recouvrir un objet en pierre (stéatite) ou une céramique d’une fine couche de verre remonte à la fin du Néolithique au Pakistan, voici quelques six millénaires. Il n’est pas inutile de signaler que les films vitreux étaient de couleur bleu turquoise (à base de cuivre) et on ne sera pas étonné que leur découverte ait été synchrone, dans cette région du monde, de l’invention de la métallurgie du cuivre. On retrouvera son usage, environ six siècles avant notre ère sur des briques du Palais de Darius à Suse (Iran actuel). Ni les grecs, ni les romains – surtout les romains, si merveilleusement inventifs et habiles pour le verre- n’en feront un usage généralisé. Il faudra attendre l’Islam des VIII-IXème s ap J.C. durant lesquels l’inventivité explose littéralement, pour atteindre une exceptionnelle maîtrise aux XIII et XIVème s ap J.C. alors que l’Europe occidentale ignore encore ou connait à peine son existence et ses potentialités. On retiendra que la céramique glaçurée est une terre cuite (ou une fritte) recouverte d’une mince couche de verre. Il ne nous parait pas opportun, pour diverses raisons, de continuer de dire que ces céramiques sont « émaillées », « vernissées » ou des « faïences », termes qui ne font que créer de la confusion.

Panneau de mo'arraq ornant l'entrée du Gur Emir, le tombeau de Timour à Samarcande (XIVème s ap J.C.) (C.Ollagnier, 2008)
Panneau de mo'arraq ornant l'entrée du Gur Emir, le tombeau de Timour à Samarcande (XIVème s ap J.C.) (C.Ollagnier, 2008)

Diverses techniques conduisent à l’obtention d’une céramique glaçurée. Idéalement, une première cuisson à haute température (850 à 950°C) crée le substrat céramique. Une seconde cuisson à plus basse température (650 à 850°C) d’un mélange de silice (quartz, quartzite ou silex) finement broyé avec des composés alcalins (sodium ou potassium), un sel de plomb, ou les deux, ainsi qu’un composé calcique, favorise la formation d’un verre qui dissout plus ou moins la surface du substrat. Enfin, des colorants minéraux principalement constitués de métaux de transition (fer, cuivre, cobalt, manganèse, antimoine, etc.), sont soumis en même temps que le mélange glaçurant ou après, à une cuisson qui fixe le décor. Celui-ci est souvent réalisé sur un fond blanc, obtenu à l’aide d’étain (formation de cristaux de cassitérite ou de bulles d’air, piégées au sein de la glaçure).

 

 

Repères bibliographiques

 

- BEN AMARA A., 2002, Céramiques glaçurées de l’espace méditerranéen (IXe-XVIIe s. ap. J.C.) : matériaux, techniques et altération, Thèse de Doctorat, Université de Bordeaux 3, 317 p.

- CHABANNE D., 2005, Le décor de lustre métallique des céramiques glaçurées (IXème-XVIIème siècles), Matériaux, couleurs et techniques, Principales étapes de diffusion d'une invention mésopotamienne, Thèse de Doctorat en Physique appliquée à l'archéologie, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 238 p.

- CHUVIN P., 1999, Les arts de l’Asie Centrale, Citadelles & Mazenod, 617 p.

- D’ALBIS A., 2003, Traité de la porcelaine de Sèvres, Editions Faton, 392 p.

- SCHVOERER M., NEY C., BEN AMARA A., BOBIN O., 2001, La couleur bleue de l'Asie Centrale, Archéologia, 377, 8-9.

- SCHVOERER M., NEY C., OLLAGNIER C., DEJOAS F., 2006, Du cuivre et de l’argent pour de l’or. Deuxième partie : du cuivre et de l’argent  afin de re-créer un décor de lustre métallique sur céramique glaçurée, in Catalogue de l’exposition « Les tribulations du cuivre et de la terre » (29 juin au 23 septembre 2006) du Musée de la Faïence et des Arts de la Table de Samadet (Landes - France).

- SOUSTIEL J., 1985, Céramique islamique, Editions Vilo, 427 p