La dynastie timouride

La statue de Timour à Shahrisabz (photo: M. Schvoerer, 2008)
La statue de Timour à Shahrisabz (photo: M. Schvoerer, 2008)

 

L’invasion des Mongols de Gengis Khan (1206-1227 ap J.C.) en Asie Centrale survint à partir de  1220. Elle anéantit le Khorezm, ruina Boukhara, Samarcande et soumit la Transoxiane.

L'empire de Timour, en vert, d'après (Cosmovision, 2009)
L'empire de Timour, en vert, d'après (Cosmovision, 2009)

Le renouveau revint après 1370 ap J.C. avec Timour, qui entreprit de reconstituer l’empire de Gengis Khan, à partir des nombreuses conquêtes guerrières presque continuelles et en imposant son pouvoir par la violence et la terreur. Samarcande devint la capitale d’un immense empire, allant de la Mer Noire à l’ouest, au Golfe Persique au sud,  à l’Himalaya à l’est et au Kazakhstan au nord.

Chaque cité conquise par Timour contribuait à la déportation de savants, d’artisans, d’ouvriers et d’esclaves vers l’Empire. Cet apport a permis le développement rapide des cités de l’Empire, dont la capitale Samarcande,  Shahr-i-Sabz (Kesh où est né Tamerlan, avec le palais de l’Ak-Saray), Herât, Boukhara,…

Timour fit de Samarcande la capitale de l'empire, et son règne favorisa le développement:

  • de l’artisanat, de l’art et de la culture,
  • de la construction de palais, madrasas, caravansérails, marchés, avec de magnifiques décorations utilisant les plus belles technologies disponibles, dont les céramiques glaçurées,
  • du commerce domestique et international de l’Empire avec la Chine, l’Inde et l’Europe, via notamment  les routes de la soie.
  • des sciences physiques, architecturales, humaines et religieuses.

 

Après la mort de Timour en 1404 ap J.C., la multiplication des conquêtes n'ayant  pas permis d’organiser suffisamment l’état, l'empire fut partagé entre ses descendants, ce qui entraîna la multiplication des potentats locaux en Transoxiane et au Khorassan et de nombreuses luttes fratricides pour s’arroger le pouvoir.  Finalement Shah Ruck, le fils cadet de Tamerlan, s’imposa comme souverain d’une grande partie de l’Empire dès 1408 ap J.C., mais il déplaça la capitale à Herât. Shah Ruck régna sur la Transoxiane avec son fils le Prince Ulugh Beg.  (Encyclopédie Imago Mundi, 2009), (Wikipedia, 2009), (Krisciunas, non daté), (Waugh, non daté).

 

Ulugh Beg  est né le 22 mars 1394 ap J.C. à Sultaniya en Iran. La majeure partie sa jeunesse se passa en déplacement en Asie Centrale au gré des conquêtes de Timour.

Quand Shah Ruck prit le pouvoir en Transoxiane, Ulugh Beg avait 15 ans. Ulugh Beg se fixa à Samarcande, régnant sous l'autorité de son père Shah Ruck. Ulugh Beg fut un homme de sciences plutôt qu'un conquérant dans la tradition de Timour. Il poursuivit cependant le développement de la Transoxiane et ses armées guerroyèrent avec plus ou moins de succès pour maintenir l’intégrité du territoire ou tenter de faire des conquêtes. (Haddad L, 2000), (Krisciunas, non daté).

 

Ulugh Beg eut 2 fils, Abdul-Latif qu’il haïssait et Abdelazziz à qui il apprenait l’astronomie, peut-être avec l'espoir d'en faire son successeur. Mais le destin fut plus tragique, et alors qu’Ulugh Beg devenait Roi de Transoxiane en 1447 ap J.C., à la mort de son père, son règne ne fut que de très courte durée. En 1448 les Ouzbeks envahissaient la Transoxiane, Samarcande fut mise à sac. Ulugh Beg finit par être assassiné sur les ordres de hauts dignitaires musulmans par des sbires de son fils Abdul-Latif, le 27 octobre 1449 ap J.C..

Sa tombe est située dans le Gur Emir, le mausolée des souverains timourides à Samarcande.

 

L’essor scientifique avec Ulugh Beg.

L’ère d’Ulugh Beg fut particulièrement riche pour le développement des sciences, et à Samarcande, la cour et la cité constituèrent un cadre culturel, scientifique et artistique remarquable. De nombreux édifices furent construits, des Madrassas dont la plus fameuse à Samarcande sur le Régistan, des palais, des mosquées, tous richement décorés de céramiques. Les Madrassas servaient à l'enseignement et au développement de la culture. A Samarcande fut aussi construit un volumineux Observatoire où se déroulèrent sur une dizaine d’années, à partir de 1429 ap J.C., des travaux d’astronomie de tout premier ordre, certainement les plus importants de l’époque.

 

La Madrasa d'Ulugh Beg à Samarcande (A.Billard, 2008)
La Madrasa d'Ulugh Beg à Samarcande (A.Billard, 2008)

La décroissance et la fin de l'Empire timouride

Après la mort d'Ulugh Beg, la situation devint chaotique et l'empire timouride se lézarda. Les Ouzbeks multiplièrent les raids dévastateurs contre Samarcande. Jusqu’en 1469, Abu Saïd, un petit-fils de Timour, régna mais il dût faire face aux nombreuses rebellions des princes timourides. Il fut vaincu à Karabagh en 1468 par Uzun Assan, le prince de l'empire des  « moutons blancs ».

Après 1469 ap J.C., le souverain incontesté du Khorassan et de l'Afghanistan fut Husayn Baycara qui gouverna depuis Herât.

 

En 1490 ap J.C., le mausolée Gur Emir à Samarcande fut enfin achevé et recevoir enfin les tombeaux de Timour et d'Ulugh Beg. En dépit des nombreuses luttes qui l'opposèrent aux autres prétendants, Husayn Baycara fit de la ville d'Herât un grand centre culturel, dans le domaine de la poésie par exemple, avec la construction de nombreux palais, mosquées et madrasas. A partir de 1507 ap J.C. la Transoxiane fut occupée par les Ouzbeks et l’empire timouride disparut, absorbé par la dynastie iranienne des Safavides. 

 

Le dernier timouride fut Babur, né en 1483 ap J.C., descendant de Timour par son père et de Gengis Khan par sa mère. Il chercha à se constituer un empire à partir des possessions ancestrales timourides. En 1503 ap J.C., après des échecs répétés pour reprendre Samarcande, il se replia sur Kaboul, d’où il lança de nouveaux raids infructueux sur Samarcande. En 1510 ap J.C. il reprit la cité, mais il finit par être chassé par les Ouzbeks. Ce fut la fin de l’empire timouride. Finalement Babur changea de stratégie et en 1525 ap J.C. il réussit la conquête de l’Inde du Nord et créa l’empire Moghol, mais il meurt en 1530 ap J.C., mettant ainsi fin à l'ère timouride.

 


La vie à l'époque d'Ulugh Beg

 

La renaissance amorcée sous Timour changea l'environnement guerrier en un environnement plus serein, les peuples ayant beaucoup souffert. Comme exutoire de ces souffrances, un renouveau se fit jour dans tous les domaines  - sociétal, religieux, artistique, culturel et scientifique -. (Roux J-P, 1994), (Tabyshalieva A, 2003).

 

Les fêtes se développèrent, contribuant à promouvoir la célébrité des princes. Les aristocrates se mêlaient au peuple, dans des fêtes fastueuses qui se tenaient dans les magnifiques jardins qui embellissaient les cités. De nombreux spectacles avaient lieu, avec des jeux, des danseurs, des troubadours. La musique était très développée, grâce aux flûtes, harpes, guitares et percussions. En contre partie le développement du vice était de mise, avec l'alcool, la drogue (haschish), le jeu, la sexualité associée à une grande liberté des mœurs, y compris l’homosexualité. La société était assez libertaire, la femme jouissait d'une certaine indépendance et participait au même titre que les hommes.

 

Le terrain était favorable, pour qu'un Prince comme Ulugh Beg, très avide de culture, puisse promouvoir un remarquable essor scientifique, en prenant ses distances d'avec les religieux. Bien sûr les religieux musulmans tentaient de limiter tous ces débordements et allaient progressivement augmenter leur influence. On peut noter qu'après Ulugh Beg les princes seront beaucoup plus respectueux des maîtres religieux. L'époque était propice au renouveau intellectuel après la chape guerrière des siècles précédents.